Pour Jérôme Lefèvre, Bernard Gilbert (Dinant, Belgique, 1970) travaille dans une direction que l’on pourrait qualifier de peinture sans fin. Ses compositions abstraites se sont affranchies de toutes les positions dogmatiques qui les ont précédées. La première caractéristique de la peinture de Bernard Gilbert, c’est de déjouer la perspective. Abstraite, elle est sans répétition ni symétrie. Les parallèles et autres géométries sont volontairement inexactes. Les différents plans semblent dilués. Ici les formes ne sont ni figures ni sujets. Ce qui habite ses compositions, c’est un sens aigu du chaos. Son œuvre est fait d’intrications, de formes imbriquées jusqu’à brouiller plans et perspectives. Ce qui l’intéresse c'est la couleur. L’œuvre en est saturée. Il explore sans relâche l’infinité des combinaisons qui s’offrent à lui, sur un mode ouvertement expérimental. C’est à la théorie des couleurs qu’il est attaché.
L’œuvre a subi plusieurs étapes ; depuis le début des années 2000, Bernard Gilbert introduit progressivement le principe des plans multiples. Sur la première trame, des masses de couleur se détachent très nettement du plan créant des zones autonomes. Elles se superposent et s’imbriquent à la manière de motifs musicaux. A partir de 2010, la composition a atteint une complexité extrême, de nouveaux outils sont apparus.
Dans les développements récents de son travail, Bernard Gilbert confie que la question du réenchantement par la peinture est une de ses préoccupations majeures et ceci, en réponse au désenchantement environnant. Il tente de réintroduire la dimension contemplative permettant de glisser du processus de voir à celui de regarder, prendre le temps. Les fines couches et entrelacs confèrent à chaque peinture une profondeur abyssale, un voyage entre les couches, une descente dans les abîmes du voir pour mieux remonter, par la couleur, et titiller les qualités organoleptiques de la peinture, singulièrement de chaque peinture.
Jérôme Lefèvre sees Bernard Gilbert (Dinant, Belgium, 1970) working in a direction that could be described as endless painting. His abstract compositions have freed themselves from all the dogmatic positions that preceded them. The subversion of perspective is the first quality that characterizes the painting of Bernard Gilbert. It is abstract, without repetition or symmetry. The parallels and other geometries are intentionally inaccurate. The individual plans seem diluted. Here, forms are neither figure nor subject. His compositions are infused with a profound sense of chaos. His work is made of entanglements, of nested forms that blur plans and perspectives. Color is what interests him. The work is fully saturated with it. He tirelessly explores the infinite combinations that are available to him in an overtly experimental mode. He is fully dedicated to the theory of color.
The work has evolved through a number of stages; from the early 2000s, Bernard Gilbert has gradually introduced the principle of multiple layers. On the first canvasses, masses of color clearly detach themselves from the underlying plane, creating autonomous zones. They overlap and interlock like musical motifs. By 2010, however, his compositions have reached an extreme level of complexity. New tools have emerged.
Regarding the recent developments in his work, Bernard Gilbert confides that the question of re-enchantment through painting is one of his major concerns and this mainly in response to the prevalent disenchantment. He tries to reintroduce the contemplative dimension that allows the act of seeing to shift to that of looking, taking time. The fine layers and intertlacings infuse each painting with an abyssal depth, a voyage between layers, a descent into the abyss of seeing to better return, through color, and titillate the organoleptic qualities of painting, and singularly those of each painting.